Je suis une jeune femme congolaise qui a vécu dans une société où les parents ne nous parlaient pas des rapports hommes- femmes. Étant l’aînée je n’avais pas non plus de grande sœur pour m’aiguiller sur ces thématiques. Quand j’avais des interrogations je devais les enfuir au fond de moi ou aller en parler à mes copines plus expérimentées. Poser la question dans la sphère familiale c’était recevoir des blâmes dans le meilleur des cas, si non une terrible punition bien piquante. Alors l’instruction sentimentale a été construite au travers des films et des conversations entre amis. Je rêvais d’histoires de cœur à la Disney princesse ou calquer sur les scénarios des films romantiques que je consommais.

Les romances obéissent généralement au même schéma. Deux protagonistes se rencontrent, c’est l’amour au premier regard. Ils vivent quelques turbulences qui les éloignent l’un de l’autre puis finissent par se retrouver et échanger un très beau baiser. Les scènes qui m’intéressent aujourd’hui dans le cinéma, ce sont les scènes du baiser. Dans la majorité des scénarios, ça se passe de façon instinctive. L’acteur principal se rapproche de sa partenaire, la serre très fort et puis les deux se lancent dans l’acte. C’est donc ça qui a représenté la normalité à mes yeux durant de nombreuses années. Mon âme d’enfant voulait absolument la même chose. 

Des années plus tard, la vie m’a confronté à un autre schéma que je n’avais jamais connu auparavant. Il y avait ce jeune homme qui me faisait ressentir des papillons dans le ventre depuis un moment. Je pensais littéralement à lui plus souvent que de manger. Il était mon rêve éveillé et la lumière qui illuminait mes journées. Un soir, il m’avait invité chez des amis pour une fête d’anniversaire. Pendant que la soirée battait son plein, à un moment donné nous nous sommes éclipsés. Nous étions assis devant le portail de son ami l’un à côté de l’autre admirant des passants quand il m’a posé la fatidique question. Est ce qu’il pouvait m’embrasser ? Mon cerveau a eu un bug durant quelques secondes avant que je ne réponde un « NON » sec. L’atmosphère est devenue froide tout d’un coup et j’ai fini par lui demander de me raccompagner chez moi. J’étais en colère qu’il ait osé poser la question. Il devait simplement le faire. Bien que j’attendais ce petit bisou depuis des mois j’avais dit non parce qu’à mes yeux ce n’était pas normal de demander. C’est quelque chose qu’on devait simplement faire c’est tout. Par sa demande il avait gâché ce moment que je voulais romantique. Me poser la question c’était briser tout ce qu’il y avait de beau dans l’acte. Je rêvais qu’on m’attrape par la taille avec fougue comme je l’ai toujours vu dans les films, pas une demande aussi insipide et ringarde.

Comme tout ado qui se respecte, j’en ai parlé le jour suivant à l’une de mes meilleures amies de l’époque. Elle m’a dit que ce mec était bizarre et c’était un Pecks – dans le jargon congolais ça signifie un homme mou ou pas courageux -. Je ne voulais pas être la jeune fille qui fréquentait un mouilleur. Je voulais un vrai gars, pas un qui ne pouvait même pas me faire un bisou sans me demander. Quel affront de demander ce genre de chose à une femme ? Ne voyait-il pas les films ? Ne discutait-il pas avec ses amis ? Pourquoi avait-il ressenti le besoin de faire ça ? 

Je raconte cette histoire aujourd’hui parce que je réalise que pendant une bonne partie de ma vie on ne m’avait pas enseigné le consentement dans une relation de couple. Que ce soit dans les films, par mes amies ou encore dans le cercle familial. Je ne critique pas mon éducation. On m’a transmis ce que l’on jugeait important et je suis reconnaissante pour ça. Malheureusement le consentement ne faisait pas partie de cet héritage. A l’époque j’en ai voulu à ce jeune et je l’ai calomnié. Pourtant il avait l’attitude la plus responsable qu’une personne de son âge pouvait avoir, demander à une femme s’il a le droit de faire quoi que ce soit sur son corps. Ça peut paraître dérisoire, mais ce soir-là il m’avait montré que ce n’était pas que de son envie dont il était question mais mes besoins étaient tout aussi importants. Avec le recul, je pense que l’on m’avait dit ou montré que c’était bien plus sexy de demander que d’attirer quelqu’un de force vers soi pour l’embrasser quelque soit le canal, j’aurais sûrement vu les choses différemment. Demander l’autorisation avant de toucher quelqu’un devrait être vendu comme ce qu’il y a de plus sexy au monde. Que ce soit dans les films, les discussions familiales ou amicales. Une narration différente aurait configuré mon mental différemment.

Aujourd’hui, à l’ère post #metoo, le consentement occupe une place importante dans les discussions mondiales. On parle beaucoup de s’assurer que notre partenaire est d’accord pendant toute les phases de la relation sexuelle. Mais questionnons nous assez les autres aspects de la vie sentimentale ? Avant d’en arriver au sexe, il y a plusieurs phases qui impliquent la participation des deux protagonistes. Est ce que nous demandons à notre partenaire si l’on a le droit de faire x ou y chose sur son corps ? Que ce soit une caresse, se prendre la main et toutes ces choses qu’on juge normales. Certains diront que la communication non verbale existe et elle compte tout autant dans les relations de couple. Et je vous le concède ! mais ne faut-il pas verbaliser nos actions, nos choix, nos envies pour être sûr que nous sommes bien sur la même longueur d’ondes avec notre partenaire ? N’est il pas mieux de s’assurer que certaines mimiques sont en accord avec la signification que nous leur prêtons ? 

Je conclurais en vous posant la question qui me taraude l’esprit depuis mon réveil. Avez-vous déjà demandé la permission à votre partenaire si vous pouviez l’embrasser ?

 

Exaucée