Petit pays est un ouvrage tragique de Gaël Faye, sur le dernier génocide de masse du XXe siècle, le génocide du Rwanda. L’histoire ne se focalise pas sur un individu ayant vécu cette tragédie a l’intérieur du pays. Mais plutôt à travers les yeux de Gabrielle, un jeune garçon de 11 ans vivant au Burundi, pays voisin. Fils d’un père français venu pour affaires et d’une mère rwandaise ayant fui la guerre dans son pays d’origine, Gabrielle nous emmène dans un récit poignant. Au-delà de la guerre, ce roman explore des thèmes cruciaux tels que la lutte des classes et la quête perpétuelle de l’identité chez les migrants.

« les compagnons de l’immigration »

Ayant grandi à Talangaï, l’un des quartiers chauds de Brazzaville (le meilleur quartier de tout le pays), j’ai côtoyé des personnes qui avaient fui le génocide. En refermant ce livre, une pensée particulière pour tonton Didier m’est venue. En effet, tonton Didier travaillait avec ma tata dans son commerce et est resté à ses côtés pendant plus de 3 ans. J’ai un souvenir de lui d’un jeune homme physiquement fort et d’une gentillesse incommensurable. Cependant, je ne connais pas son histoire, et personne ne le connaît vraiment. Bien qu’il ait vaguement mentionné venir de la RDC, nous savions que c’était faux, son accent et son incapacité à répondre aux questions basiques sur la RDC le trahissaient.

Avec du recul, j’aurais aimé mieux le connaître. J’aurais adoré ne pas le réduire à la simple définition que j’avais à l’époque, un jeune ayant fui la guerre. J’aurais apprécié en savoir plus sur ses histoires d’amour, son quartier, son pays, son histoire et ses regrets. À l’image de Gabrielle, devenu adulte, évitant de parler de ses origines lorsqu’il courtise une femme, ll ne veut pas que celle-ci le résume à ce pan de histoire de son pays, autant que j’ai pu le faire à mon tour avec mon tonton. Peut-être que tonton Didier avait toujours menti pour se protéger comme la mère de Gabrielle, l’une des personnages principaux, il voulait se protéger de la xénophobie qui accompagne l’immigration.

« La lutte des classes« 

Petit pays,  de Gaël Faye, est aussi une puissante réflexion sur la lutte des classes, présente tout au long du roman. Cette dynamique est perceptible dans l’histoire d’amour entre les parents de Gabrielle, où un homme blanc riche, vivant en Afrique, épouse une jeune femme migrante. De même, les relations entre les domestiques et leurs employeurs soulignent l’importance de cette thématique.

« La maison, là où se trouve l’être aimé« 

En outre, petit pays de Gael Faye présente une véritable ode à la quête d’identité, particulièrement pour ceux qui grandissent entre différentes cultures. Ceux qui ont grandi un peu ici et un peu là-bas. Gaël Faye aborde la difficulté de définir son « chez soi ». Dans une passage du livre, l’auteur écrit : « Je n’habite plus nulle part. Habiter signifie se fondre charnellement dans la topographie d’un lieu, l’anfractuosité de l’environnement. Ici, rien de tout ça. Je ne fais que passer ». Ces mots résonnent profondément avec ma propre situation en tant que migrante. Je ne me sens pas chez moi dans les pays que j’ai traversés. Paradoxalement, je me sens de plus en plus comme une étrangère dans mon pays d’origine. Je suis une terrienne qui ne fait que passer. Peut-être est-ce là la tragédie de tout immigré, être voué à cette quête perpétuelle du chez soi.

La lecture de ce livre m’a renvoyé à une question que je me pose fréquemment ces derniers mois : « Où se trouve la maison ? ». Hier durant une conversation téléphonique avec ma mère, je lui ai posé la question et elle m’a répondu que sa maison se trouvait à l’autre bout du monde, car ses enfants sont son foyer. Elle est dans l’attente de le retrouver. Finalement, peut-être est-ce là la véritable définition du « chez soi » : être auprès de l’être aimé, comme le Marion dans notre épisode de podcast (disponible ici).

Si vous êtes parvenus jusqu’ici dans la lecture de ces mots, je ne vous retiendrai pas plus longtemps, car il y a encore tant à dire sur ce livre. Des passages violents de la guerre aux conséquences qu’ils engendrent sur plusieurs générations d’une même famille. Je conclurai donc avec cette phrase que j’ai adoré « A chacun son asile ! Politique pour ceux qui partent, psychotique pour ceux qui restent »