Mon collègue disait que sa première épouse décédée en couche représentait l’amour d’une vie et ce qui lui était arrivé de mieux. Elle avait participé à construire l’homme qu’il était brique par brique. Le jour de l’accouchement de leur troisième enfant à l’hôpital militaire de Pointe noire, elle avait eu une hémorragie et on avait pu sauver ni la mère ni l’enfant. 

Ce récit débuté quand j’ai parlé de ma vision du deuil et de l’enterrement au Congo. En effet, si vous êtes un brazzavillois digne de ce nom vous êtes déjà allés à une activité. On ne parle pas d’occupation, de rencontre ou de quelque chose de cet ordre-là, On parle bien d’enterrement. Généralement après la mise en terre du défunt les personnes présentes se réunissent autour d’une bière. Au-delà de rendre hommage à l’illustre disparu, c’est une occasion de discuter ou rire autour d’une table, revoir des personnes qu’on avait perdu de vue, ou simplement se distraire et sortir de son quotidien. Mais dans le processus d’enterrement ça ne s’arrête pas là, il y a des coûts exhorbitants liés à mise en terre et à la période de deuil qui est déjà trop longue (on peut compter entre une semaine à parfois un mois).

Un jour, Madame A m’a dit que pour un cercueil potable il fallait au moins 300 mille franc CFA, il y a aussi la tenue que la dépouille devrait portée,  la location des chaises, des chapiteaux,… on arrive très facilement à 1.000.000 si non plus. Pourquoi dépenser autant pour un être qui ne reviendra jamais ? Il y a quelque chose de malsain dans cette pratique à mon avis.

C’était la question que j’avais posé ce matin là au travail. Il m’avait répondu qu’il n’avait jamais acheté une robe de soirée à sa défunte campagne pendant tout le temps qu’a duré leur histoire… apres avoir fait des cotisations pour les dépenses, la famille avait fixé un budget pour la tenue de sa défunte femme. Mais il tenait à le faire tout seul, sa femme méritait bien plus qu’il ne l’avait offert de son vivant. Pour sa dernière demeure il voulait lui offrir une belle robe. Ca serait son dernier cadeau, la tenue avait coûté 500k et c’était tout ce qu’il avait comme économie à ce moment-là de sa vie. Son lendemain et celui des deux enfants qui lui restaient ne figurait pas parmi ses préoccupations. Cette femme vivante ou morte méritait tout.

En rentrant je voulais savoir un peu plus sur les dépenses liés au décès d’un de mes cousins. Madame A avait évalué les dépenses sommaires à environ 2 millions. Choquée j’ai demandé pourquoi, elle m’a dit que son neveu n’était pas n’importe qui et qu’il le méritait. Aussi il ne fallait pas que les gens soient médisants sur sa famille, elle avait terminé par « l’enterrement ce n’est pas pour ceux partent mais ceux qui restent ».

Avec madame A on parle souvent de la mort et du deuil, on sait tous que ça arrivera un jour ou l’autre même si on souhaite que l’échéance soit la plus retardée possible. C’est important pour moi que les derniers hommages rendus soient comme elle le souhaiterait. Elle m’a dit ce que je devrais faire en premier, ce qu’il fallait accepter ou pas de la part de sa famille. Madame veut qu’il y ait des danses traditionnelles, son cercueil ne devra pas être fabriquer avec n’importe quel bois, c’est la seule personne que je connaisse qui se soucie du matériau auquel sera fait son cercueil…, le plus important dans tout ça, elle doit reposer près de ses enfants, si c’est en Afghanistan ainsi soit-il. Par contre elle ne veut jamais qu’on parle de mes obsèques, elle ne veut pas le vivre donc elle en a rien à cirer de comment est-ce que ça peut se passer.

L’endroit sur cette terre qui me donne un sentiment profond de paix c’est la plage. À ma mort, idéalement je veux qu’on fasse des dons d’organes s’ils sont récupérables, le reste de mon corps va être incinérer et les cendres jetés au bord de la plage derrière la maison ou j’ai grandi. Je ne veux pas de période de deuil, au pire une journée. C’est une perte inutile d’argent. Le soir ou je lui ai parlé de mes projets, le choc était palpable sur son visage. Elle m’a dit non seulement je voulais lui faire subir la perte d’un enfant mais il fallait aussi qu’elle brule son corps, ce qui lui vaudra surement d’être accusée de sorcellerie et etre tenue pour responsable du décès. Mais pour finir tout ce qui lui resterait de la personne qu’elle aime profondément elle devra le donner à bouffer aux poissons. En colère elle m’a dit « sache qu’après ta mort tout ce qui s’en suivra ne t’appartient pas, mais plutôt à tes proches ».

Je finirai par dire que les raisons des dépenses exorbitants sont variées, parfois c’est juste une question d’égo, rendre hommage une dernière fois à l’être aimé, notre façon à nous de surmonter le décès, ou simplement une histoire culturelle. Je trouve toujours cette pratique malsaine et sans importance mais ce qu’il faut retenir c’est « l’enterrement ce n’est pas pour ceux partent mais ceux qui restent ».